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Le nez dans les bouquins

Des Hommes - Laurent Mauvignier

Publié le 27 Juin 2010 par Le nez dans les bouquins in Adultes

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Le style, j'ai eu du mal à m'y faire. Entrecoupé, saccadé, crispant... mais petit à petit on s'y habitue.

Le thème: la Guerre d'Algérie, ce que les soldats ont vécu là-bas et comment ils ont vécu leur retour en France. Et ce silence à leur retour. Le silence que connaissent toutes les personnes qui ont retrouvé un fiancé, un fils, un ami lorsque l'indépendance a été proclamée. Et cinquante ans plus tard, ces mots, toujours les mêmes :"il n'en a jamais parlé".


Pendant longtemps, on a osé croire, ou voulu croire, que ce n'était rien: en tout cas "ce n'était pas Verdun" pour citer Laurent Mauvignier. Alors puisque tout le monde pensait que ce n'était rien, et puis les métropolitains en avaient un peu rien à faire de l'Algérie, alors tous ces soldats, qui n'avaient pour la majorité guère plus de vingt ans quand ils sont partis, tous ces soldats n'ont pas pu dire. Ca aurait paru trop énorme...


Maintenant, on sait. Il y a eu des tortures, beaucoup; les fells qui n'attaquaient jamais mais s'en prenaient aux hommes seuls, en embuscade; et l'accueil parfois ingrat des français d'Algérie qui était réservé aux soldats français.

Maintenant, on sait aussi que si le silence a primé, ce n'est pas qu'il n'y avait rien à dire. C'est qu'il y aurait eu trop à dire. Trop de choses, trop lourdes, pour des gars trop jeunes et beaucoup trop loin de ce que pouvaient imaginer les familles, les amis.

Mais ce qu'on sait aussi, c'est que l'on va regretter qu'ils se soient tus parce que leur mémoire est précieuse et parce qu'il y a derrière ce silence comme un déni de leur souffrance. Douleur trop dure à porter et dont ils n'ont jamais pu se défaire.


Mais on se réveille trop tard, et beaucoup ont disparu emportant leurs -mauvais- souvenirs avec eux.


Alors Des Hommes intervient, révolte et soulage.

Il révolte parce qu'il raconte les soldats français égorgés par les fells ou les fells jetés à la mer avec les pieds pris dans le béton, les villages pillés, les femmes et les enfants apeurés et les meurtres des deux côtés. Et cette comparaison qui revient par deux fois, quand les soldats français ne peuvent pas repousser l'idée qu'ils sont dans la même situation que les allemands qui occupaient la France et que leurs parents ont tant haïs. Ils ne sont rien que des occupants d'un pays qui n'est pas le leur.

Il soulage parce que l'on en sait un peu plus. Il est si dur de poser des questions à un grand-père qui a "fait l'Algérie" que l'on a peur de ce que l'on pourrait obtenir comme réponse, et l'on fantasme comme quand on ne sait. Ce livre nous dit beaucoup de choses, parfois difficiles à lire, difficiles à accepter. J'ai dû parfois arrêter ma lecture, parce que les évènements relatés devenaient insoutenables... mais finalement, mieux vaut savoir.


Le silence n'est pas encore brisé, mais Laurent Mauvignier a le mérite d'avoir fait parler ce silence, de lui avoir donné un sens. Fort et déstabilisant.


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